Le mémorandum de la Banque Mondiale sur le Maroc
Journée d'étude organisée par le Groupe UMT à la Chambre des Conseillers
Le rapport polémique
Le Mémorandum pays de la Banque mondiale
sur le Maroc continue de soulever un vent de critiques. Après les officiels,
c’est au tour des syndicats de remettre en cause ses recommandations.
«Les représentants de la Banque mondiale
(BM) se sont sentis mal». C’est en ces termes qu’un des participants a décrit
la journée d’étude organisée par le groupe de la première centrale syndicale du
Maroc, l’Union marocaine du travail (UMT) à la deuxième chambre, fin juillet
dernier.
La banque décriée
La journée portait sur la discussion du dernier mémorandum pays de l’institution de Breton Woods «Le Maroc à l’horizon 2040, capital immatériel et les voies de l’émergence économique», présenté en grande pompe en juin dernier. Ayant déjà suscité une forte polémique avant sa sortie, le dernier opus de la BM ne cesse donc de créer des remous. Cette fois-ci, c’était au tour de Miloudi Moukhariq, leader du syndicat historique d’engager les hostilités: «Contrairement à ce qui est avancé par la Banque mondiale, celle-ci n’a pas consulté toutes les parties prenantes au Maroc puisque l’UMT n’a pas donné son avis sur les recommandations et les conclusions incluses dans ce mémorandum», reproche-t-il à Marie Françoise Marie-Nelly, directrice du Département Maghreb et Malte, Moyen-Orient et Afrique du Nord, visiblement prise au dépourvu. A côté d’elle, Jean-Pierre Chauffour, économiste principal de la Banque mondiale au Maroc et chargé de la rédaction du mémorandum, a le regard flottant. La directrice a saisi la balle au bond et affirmé qu’elle avait insisté pour être présente à cette journée d’étude au vu de son importance et de l’importance et du dynamisme de l’UMT. Pour se défendre, elle a affirmé que des rencontres ont été organisées au sein du Conseil économique, social et environnemental «où l’UMT à une forte représentativité».Une parade qui ne sera pas efficace face à Moukhariq. Le leader de la centrale syndical a ainsi rappelé les sujets de discordes que l’UMT et son groupe accusant le mémorandum de se positionner du côté du patronat. «Les recommandations incluses sont contraires aux positions qu’on défend», affirme ainsi Moukhariq avant d’énumérer les points de dissensions. Tout y passe: loi organique sur le droit de grève, flexibilisation de l’emploi, heures supplémentaires et surtout SMIG régional recommandé par la banque et qui, selon Moukhariq, va «créer plus de pauvreté et de contrastes sociaux alors qu’une grande partie de la population vit dans la vulnérabilité».
Après la présentation de la banque qui a duré une trentaine de minutes, et passé en revue tous les diagnostics et recommandations du rapport (Cf. Enquête EE N° 204 de juin 2017), ce fut au tour des invités de l’UMT d’apporter leurs critiques. Et c’est essentiellement aux représentants du Centre d’Etude et de Recherche Aziz Belal, partenaire de l’événement, de prendre le relais. Son président Mohamed Chiguer, économiste et ancien directeur à la CDG, n’y va pas de main morte. Il critique ainsi les «présupposés idéologiques du mémorandum» et affirme que les recommandations tiennent pour acqui que «le Maroc est condamné à rester sous-développé, au mieux, elles l’aideront à améliorer son sous-développement». Il rappelle, dans ce sens, que le Maroc a toujours appliqué les recommandations de la Banque mondiale avec plus d’échecs que de succès. «Qu’est-ce qui garantit aujourd’hui que le modèle présenté sera un succès?», assène-t-il. Il affirme que, pour se développer, tous les pays se sont industrialisés, «ce qui est différent de mener des politiques visant à délocaliser des unités industrielles étrangères». En plus de l’industrialisation, d’autres interventions ont décortiqué le rapport, notamment sur son volet PME, sur la flexibilité du dirham et son impact macroéconomique à la fois sur l’administration et sur masse salariale de l’Etat. Les observations autour des politiques sociales dans l’éducation et la santé ont aussi été sévères pour l’institution financière internationale. Et pour cause, l’un des intervenant de la salle n’a pas hésité à déclarer que concernant les secteurs sociaux, notamment la santé, «la Banque mondiale a tout faux». En effet, les dépenses de santé sont «à 62% déjà pris en charge par le citoyen. Sur les 60 milliards que dépense le Maroc pour la santé, l’Etat contribue à moins de 20% alors que la BM calcule les salaires des fonctionnaires, les dépenses des communes et les achats divers. Or, en moyenne mondiale, l’Etat doit assurer au moins 25% des dépenses de santé. Moins d’Etat dans la santé signifie que le Maroc ne sortira jamais des bas du tableau des indices de développement humain, d’autant plus que le privé n’investit que dans les zones les plus rentables puisque, jusqu’à présent, près de 25 provinces au Maroc ne disposent d’aucun médecin libéral», affirme ainsi Saâd Taoujni, ancien responsable des études stratégiques au sein de la CNSS et consultant en droit de la santé.
Au final, c’est Jean-Pierre Chauffour qui s’est collé tant bien que mal à répondre à la salve de remarques après plus de quatre heures de présentations et de débat. La directrice de la Banque mondiale, elle, s’est éclipsée après la dernière intervention. Chauffour a ainsi insisté sur la nécessité de continuer les réformes et que «c’est un processus qui dure pour toujours» ajoutant plus loin que la course mondiale à la performance est une course de la flexibilité évoquant l’Allemagne pour justifier la non pertinence de l’argument du salaire minimum, dont ce pays ne s’est doté que dernièrement sous contrainte politique. Bien que s’excusant du fait de ne pas avoir formellement échangé avec les représentants des travailleurs, la dernière intervention de Chauffour ne présage pas que les recommandations de cette journée d’étude seront prises en compte dans le rapport final contrairement à ce qu’espéraient les syndicalistes.
La journée portait sur la discussion du dernier mémorandum pays de l’institution de Breton Woods «Le Maroc à l’horizon 2040, capital immatériel et les voies de l’émergence économique», présenté en grande pompe en juin dernier. Ayant déjà suscité une forte polémique avant sa sortie, le dernier opus de la BM ne cesse donc de créer des remous. Cette fois-ci, c’était au tour de Miloudi Moukhariq, leader du syndicat historique d’engager les hostilités: «Contrairement à ce qui est avancé par la Banque mondiale, celle-ci n’a pas consulté toutes les parties prenantes au Maroc puisque l’UMT n’a pas donné son avis sur les recommandations et les conclusions incluses dans ce mémorandum», reproche-t-il à Marie Françoise Marie-Nelly, directrice du Département Maghreb et Malte, Moyen-Orient et Afrique du Nord, visiblement prise au dépourvu. A côté d’elle, Jean-Pierre Chauffour, économiste principal de la Banque mondiale au Maroc et chargé de la rédaction du mémorandum, a le regard flottant. La directrice a saisi la balle au bond et affirmé qu’elle avait insisté pour être présente à cette journée d’étude au vu de son importance et de l’importance et du dynamisme de l’UMT. Pour se défendre, elle a affirmé que des rencontres ont été organisées au sein du Conseil économique, social et environnemental «où l’UMT à une forte représentativité».Une parade qui ne sera pas efficace face à Moukhariq. Le leader de la centrale syndical a ainsi rappelé les sujets de discordes que l’UMT et son groupe accusant le mémorandum de se positionner du côté du patronat. «Les recommandations incluses sont contraires aux positions qu’on défend», affirme ainsi Moukhariq avant d’énumérer les points de dissensions. Tout y passe: loi organique sur le droit de grève, flexibilisation de l’emploi, heures supplémentaires et surtout SMIG régional recommandé par la banque et qui, selon Moukhariq, va «créer plus de pauvreté et de contrastes sociaux alors qu’une grande partie de la population vit dans la vulnérabilité».
Après la présentation de la banque qui a duré une trentaine de minutes, et passé en revue tous les diagnostics et recommandations du rapport (Cf. Enquête EE N° 204 de juin 2017), ce fut au tour des invités de l’UMT d’apporter leurs critiques. Et c’est essentiellement aux représentants du Centre d’Etude et de Recherche Aziz Belal, partenaire de l’événement, de prendre le relais. Son président Mohamed Chiguer, économiste et ancien directeur à la CDG, n’y va pas de main morte. Il critique ainsi les «présupposés idéologiques du mémorandum» et affirme que les recommandations tiennent pour acqui que «le Maroc est condamné à rester sous-développé, au mieux, elles l’aideront à améliorer son sous-développement». Il rappelle, dans ce sens, que le Maroc a toujours appliqué les recommandations de la Banque mondiale avec plus d’échecs que de succès. «Qu’est-ce qui garantit aujourd’hui que le modèle présenté sera un succès?», assène-t-il. Il affirme que, pour se développer, tous les pays se sont industrialisés, «ce qui est différent de mener des politiques visant à délocaliser des unités industrielles étrangères». En plus de l’industrialisation, d’autres interventions ont décortiqué le rapport, notamment sur son volet PME, sur la flexibilité du dirham et son impact macroéconomique à la fois sur l’administration et sur masse salariale de l’Etat. Les observations autour des politiques sociales dans l’éducation et la santé ont aussi été sévères pour l’institution financière internationale. Et pour cause, l’un des intervenant de la salle n’a pas hésité à déclarer que concernant les secteurs sociaux, notamment la santé, «la Banque mondiale a tout faux». En effet, les dépenses de santé sont «à 62% déjà pris en charge par le citoyen. Sur les 60 milliards que dépense le Maroc pour la santé, l’Etat contribue à moins de 20% alors que la BM calcule les salaires des fonctionnaires, les dépenses des communes et les achats divers. Or, en moyenne mondiale, l’Etat doit assurer au moins 25% des dépenses de santé. Moins d’Etat dans la santé signifie que le Maroc ne sortira jamais des bas du tableau des indices de développement humain, d’autant plus que le privé n’investit que dans les zones les plus rentables puisque, jusqu’à présent, près de 25 provinces au Maroc ne disposent d’aucun médecin libéral», affirme ainsi Saâd Taoujni, ancien responsable des études stratégiques au sein de la CNSS et consultant en droit de la santé.
Au final, c’est Jean-Pierre Chauffour qui s’est collé tant bien que mal à répondre à la salve de remarques après plus de quatre heures de présentations et de débat. La directrice de la Banque mondiale, elle, s’est éclipsée après la dernière intervention. Chauffour a ainsi insisté sur la nécessité de continuer les réformes et que «c’est un processus qui dure pour toujours» ajoutant plus loin que la course mondiale à la performance est une course de la flexibilité évoquant l’Allemagne pour justifier la non pertinence de l’argument du salaire minimum, dont ce pays ne s’est doté que dernièrement sous contrainte politique. Bien que s’excusant du fait de ne pas avoir formellement échangé avec les représentants des travailleurs, la dernière intervention de Chauffour ne présage pas que les recommandations de cette journée d’étude seront prises en compte dans le rapport final contrairement à ce qu’espéraient les syndicalistes.
Le Maroc a toujours appliqué les recommandations de la
Banque mondiale avec plus d’échecs que de succès
Présupposés idéologiques
M. El Moukharek. M. Chauffour. M. Taoujni |