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dimanche 21 juillet 2019

Panorapost du 21/07/2019. Le RNI et la santé au Maroc. Résumé de l'intervention de Taoujni saad


    

Le RNI veut soigner la santé publique, et en vise le ministère

Aziz Boucetta 
https://www.panorapost.com/post.php?id=22660





vendredi 7 décembre 2018

L'Economiste du 06/12/2018. Faute de lois spécifiques, malades et médecins sans filet. Droit de la santé et la CSU





Faute de lois spécifiques, malades et médecins sans filet

Droit de la santé, couverture sanitaire universelle. Quel modèle social pour le Maroc? Eléments pour un débat
Par Saâd TAOUJNI | L'Economiste Edition N°:5406 Le 06/12/2018 | Partager 

Saâd Taoujni est juriste spécialisé en Droit public, de la Santé et de la Sécurité sociale, enseignant et consultant en management et financement de la santé. Il est également expert en tarification de l’activité médicale (Ph. S.T.) 

L’Organisation mondiale de la santé considère la législation comme élément essentiel de la Couverture sanitaire universelle (CSU), afin de protéger les droits du patient, du médecin, assurer une meilleure gouvernance, plus d’efficience et d’équité. Qu’en est-il au Maroc?
L’activité médicale y est encore régie par le «Dahir des obligations et des contrats» de 1913, où le terme «médecin» n’est cité qu’une fois (article 388) et le mot «clinique» ne figure pas. L’article 1248 octroie le deuxième rang aux créances résultant des frais de maladie.

Par ailleurs, le code de déontologie basé sur le «paternalisme médical» (la rencontre d’une confiance et d’une conscience), mis en place par le protectorat, n’a jamais été modifié. Il y est encore question de «l’entente directe entre le malade et le médecin en matière d’honoraires» (art. 5) alors qu’il y a une forte «asymétrie d’information» entre les deux. Le second est un prescripteur libre.
La France a modifié le sien quatre fois entre 1947 et 1995 et oppose références et protocoles aux médecins.

Le pays ne dispose pas encore de codes de la santé, de la responsabilité civile médicale, du droit médical. Enfin, les institutions chargées de l’éthique, la veille et sécurité sanitaire, l’évaluation et l’accréditation, prévues dans la loi 34.09 relative au système de la santé, n’ont pas été créées. La santé n’a pas son Conseil national supérieur, à l’instar de l’Education ou la Justice. Pour l’instant, c’est le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) qui a tendance à remplacer toutes ces instances stratégiques, alors qu’il n’en a pas les moyens. Son rôle est bien confus.

Il convient de signaler aussi l’absence quasi totale de normes légales de sécurité des patients, de qualité des soins, d’accréditation, rendant aléatoires les expertises médicales et les sanctions prévues dans les lois en cas d’inobservation des règlements.

Pourtant, l’existence de normes réduirait le nombre de victimes d’accidents et la mise en jeu systématique de la responsabilité des médecins. Les juges et les assureurs apprécieraient les arguments des cliniques accréditées et auditées, ayant un personnel formé à la qualité.

Devant ce vide juridique et institutionnel abyssal, le Collège syndical national des médecins spécialistes privés et le CNOM ont initié deux projets de lois, pour, respectivement, réglementer la responsabilité civile médicale et modifier le code de la déontologie.

Le débat autour de ces deux projets doit être démocratique et constructif. Les droits du patient, «acteur majeur de sa santé» doivent y occuper une place centrale, au nom du respect du principe constitutionnel de la dignité. Les fondements devraient être:
  • L’obligation d’information (claire, loyale, appropriée et intelligible) par le médecin durant toutes les phases;
  • Le consentement éclairé du patient ou de la personne de confiance;
  • Le dossier médical réglementé, renseigné et accessible au patient;
  • La tarification équitable pour couronner l’édifice.



Il est nécessaire de veiller à ce que les discussions, autour de ces deux textes, ne soient pas détournées comme l’ont été, en 2015, celles concernant la loi 131.13, relative à l’exercice de la médecine, où l’attention des médias et de l’opinion publique a été focalisée sur l’ouverture de la propriété des cliniques à des sociétés de non-médecins, alors que les autres dispositions relatives aux droits du patient (2 alinéas de l’article 2), à sa sécurité et à la formation continue obligatoire des médecins n’ont pas eu droit à l’attention adéquate.

L’obligation d’assurance des médecins en RC professionnelle, traitée sommairement par cette loi, semble ignorée des assureurs, car non inscrite dans le code des assurances. Plus des 2/3 des médecins ne l’ont pas souscrite.

D’autre part, les pouvoirs publics ne peuvent pas laisser des textes aussi anciens et inadaptés, ne protégeant ni les patients ni les professionnels de la santé, régir l’activité médicale, laissant la porte grande ouverte à une justice très aléatoire et à une jurisprudence inconstante en matière de responsabilité civile médicale ainsi qu’à une indemnisation hasardeuse des victimes.

Même dans le projet du Conseil syndical, le patrimoine des médecins restera menacé, lors des jugements accordant des indemnisations supérieures aux plafonds des garanties des assurances (article 28).

Il serait souhaitable de voir les hommes politiques et les représentants de la société civile, participer de manière constructive à ce débat. Les deux projets doivent tenir compte de l’évolution des pratiques médicales collégiales, des mentalités, de la législation (nationale et internationale), de la jurisprudence, des technologies, de la télémédecine, de la dépense publique, de la tarification, du tiers payant, de l’ouverture du capital des cliniques, d’internet…
Afin de réduire la judiciarisation croissante de l’activité médicale et de diminuer le recours au pénal, le Maroc devrait adopter un code réglementant la responsabilité civile médicale prévoyant un dispositif légal de médiation, dirigé par un juge spécialisé, assisté d’experts formés, avec une grille d’indemnisation équitable, des dispositions incitatives et un calendrier précis.

«Shopping tarifaire»

Les pratiques délétères en matière de tarification, de cotation et de facturation de certaines entités ou «brebis galeuses», n’ont pas été encadrées.

Cette loi ne contenait pas de dispositions régulant la libéralisation excessive de la tarification. La Tarification nationale de référence (TNR) n’est obligatoire que pour la CNSS et la CNOPS. Chaque organisme d’assurance maladie, une trentaine, a son tarif ou des pratiques différentes, et chaque patient payant à 100% négocie le sien.

Il en résulte une sorte de «shopping tarifaire» de type commercial contraire au principe de base de la loi: la médecine n’est pas un commerce (art. 2).

Ces pratiques hypothèquent le développement des investissements de non médecins (étrangers ou nationaux) ainsi que la coopération avec les organismes subsahariens d’assurance maladie.

Le désordre tarifaire associé aux chèques de garantie (relevant du pénal) et aux restes à la charge des assurés dépassant souvent les 50% (parmi les plus élevés du monde), éloignent le Maroc chaque jour de la médecine sociale dont les polycliniques de la CNSS ont été longtemps le modèle.

Certes, le tarif de la réanimation, (si conforme à des normes strictes et à une catégorisation), nécessite une réévaluation. Par contre les tarifs des soins de certaines maladies longue durée devraient être revus à la baisse, car plus chers qu’en Europe.

http://www.leconomiste.com/article/1037575-faute-de-lois-specifiques-malades-et-medecins-sans-filet

mardi 1 août 2017

ECONOMIE ENTREPRISES (Août 2017): Le rapport polémique (de la Banque Mondiale)


Le mémorandum de la Banque Mondiale sur le Maroc
Journée d'étude organisée par le Groupe UMT à la Chambre des Conseillers

Le rapport polémique

Le Mémorandum pays de la Banque mondiale sur le Maroc continue de soulever un vent de critiques. Après les officiels, c’est au tour des syndicats de remettre en cause ses recommandations.
«Les représentants de la Banque mondiale (BM) se sont sentis mal». C’est en ces termes qu’un des participants a décrit la journée d’étude organisée par le groupe de la première centrale syndicale du Maroc, l’Union marocaine du travail (UMT) à la deuxième chambre, fin juillet dernier.
La banque décriée

La journée portait sur la discussion du dernier mémorandum pays de l’institution de Breton Woods «Le Maroc à l’horizon 2040, capital immatériel et les voies de l’émergence économique», présenté en grande pompe en juin dernier. Ayant déjà suscité une forte polémique avant sa sortie, le dernier opus de la BM ne cesse donc de créer des remous. Cette fois-ci, c’était au tour de Miloudi Moukhariq, leader du syndicat historique d’engager les hostilités: «Contrairement à ce qui est avancé par la Banque mondiale, celle-ci n’a pas consulté toutes les parties prenantes au Maroc puisque l’UMT n’a pas donné son avis sur les recommandations et les conclusions incluses dans ce mémorandum», reproche-t-il à Marie Françoise Marie-Nelly, directrice du Département Maghreb et Malte, Moyen-Orient et Afrique du Nord, visiblement prise au dépourvu. A côté d’elle, Jean-Pierre Chauffour, économiste principal de la Banque mondiale au Maroc et chargé de la rédaction du mémorandum, a le regard flottant. La directrice a saisi la balle au bond et affirmé qu’elle avait insisté pour être présente à cette journée d’étude au vu de son importance et de l’importance et du dynamisme de l’UMT. Pour se défendre, elle a affirmé que des rencontres ont été organisées au sein du Conseil économique, social et environnemental «où l’UMT à une forte représentativité».Une parade qui ne sera pas efficace face à Moukhariq. Le leader de la centrale syndical a ainsi rappelé les sujets de discordes que l’UMT et son groupe accusant le mémorandum de se positionner du côté du patronat. «Les recommandations incluses sont contraires aux positions qu’on défend», affirme ainsi Moukhariq avant d’énumérer les points de dissensions. Tout y passe: loi organique sur le droit de grève, flexibilisation de l’emploi, heures supplémentaires et surtout SMIG régional recommandé par la banque et qui, selon Moukhariq, va «créer plus de pauvreté et de contrastes sociaux alors qu’une grande partie de la population vit dans la vulnérabilité».
Après la présentation de la banque qui a duré une trentaine de minutes, et passé en revue tous les diagnostics et recommandations du rapport (Cf. Enquête EE N° 204 de juin 2017), ce fut au tour des invités de l’UMT d’apporter leurs critiques. Et c’est essentiellement aux représentants du Centre d’Etude et de Recherche Aziz Belal, partenaire de l’événement, de prendre le relais. Son président Mohamed Chiguer, économiste et ancien directeur à la CDG, n’y va pas de main morte. Il critique ainsi les «présupposés idéologiques du mémorandum» et affirme que les recommandations tiennent pour acqui que «le Maroc est condamné à rester sous-développé, au mieux, elles l’aideront à améliorer son sous-développement». Il rappelle, dans ce sens, que le Maroc a toujours appliqué les recommandations de la Banque mondiale avec plus d’échecs que de succès. «Qu’est-ce qui garantit aujourd’hui que le modèle présenté sera un succès?», assène-t-il. Il affirme que, pour se développer, tous les pays se sont industrialisés, «ce qui est différent de mener des politiques visant à délocaliser des unités industrielles étrangères». En plus de l’industrialisation, d’autres interventions ont décortiqué le rapport, notamment sur son volet PME, sur la flexibilité du dirham et son impact macroéconomique à la fois sur l’administration et sur masse salariale de l’Etat. Les observations autour des politiques sociales dans l’éducation et la santé ont aussi été sévères pour l’institution financière internationale. Et pour cause, l’un des intervenant de la salle n’a pas hésité à déclarer que concernant les secteurs sociaux, notamment la santé, «la Banque mondiale a tout faux». En effet, les dépenses de santé sont «à 62% déjà pris en charge par le citoyen. Sur les 60 milliards que dépense le Maroc pour la santé, l’Etat contribue à moins de 20% alors que la BM calcule les salaires des fonctionnaires, les dépenses des communes et les achats divers. Or, en moyenne mondiale, l’Etat doit assurer au moins 25% des dépenses de santé. Moins d’Etat dans la santé signifie que le Maroc ne sortira jamais des bas du tableau des indices de développement humain, d’autant plus que le privé n’investit que dans les zones les plus rentables puisque, jusqu’à présent, près de 25 provinces au Maroc ne disposent d’aucun médecin libéral», affirme ainsi Saâd Taoujni, ancien responsable des études stratégiques au sein de la CNSS et consultant en droit de la santé.
Au final, c’est Jean-Pierre Chauffour qui s’est collé tant bien que mal à répondre à la salve de remarques après plus de quatre heures de présentations et de débat. La directrice de la Banque mondiale, elle, s’est éclipsée après la dernière intervention. Chauffour a ainsi insisté sur la nécessité de continuer les réformes et que «c’est un processus qui dure pour toujours» ajoutant plus loin que la course mondiale à la performance est une course de la flexibilité évoquant l’Allemagne pour justifier la non pertinence de l’argument du salaire minimum, dont ce pays ne s’est doté que dernièrement sous contrainte politique. Bien que s’excusant du fait de ne pas avoir formellement échangé avec les représentants des travailleurs, la dernière intervention de Chauffour ne présage pas que les recommandations de cette journée d’étude seront prises en compte dans le rapport final contrairement à ce qu’espéraient les syndicalistes.

Le Maroc a toujours appliqué les recommandations de la Banque mondiale avec plus d’échecs que de succès
Présupposés idéologiques


http://economie-entreprises.com/2017/08/02/le-rapport-polemique/
M. El Moukharek. M. Chauffour. M. Taoujni 

samedi 8 juillet 2017

Union Internationale des Avocats (7-8 juillet 2017): La réparation du préjudice résultant de l'accident médical

Invité en tant qu'orateur par l’Union Internationale des Avocats, l’Association des Barreaux du Maroc et le Barreau de Rabat dans le cadre du séminaire organisé les 7 et 8 juillet 2017 à Rabat sur le thème.

« La réparation du préjudice résultant des accidents médicaux »

Analyse du projet de Loi relatif à la responsabilité civile médicale et à l'indemnisation des victimes des accidents médicaux dans ses aspects constitutionnels, institutionnels, rôle du CROM, médiation, obligation d’assurance, grille des indemnisations, aléa thérapeutique, consentement éclairé, normes d'hygiène et de sécurité, etc.





lundi 1 février 2016

Panorapost du 01/02/2016 : Saâd Taoujni : « il faudra attendre plusieurs années avant la généralisation effective de la couverture sanitaire »




PANORAPOST. OPINIONS | Publié le 01 février 2016


En plein débat social et politique sur les réformes sociales et les nouvelles politiques  des régimes de prévoyance sociale, on notera qu’il manque dans ces discussions et ces échanges des avis de professionnels ayant pris le temps de méditer sur ces questions . Il devient nécessaire aujourd’hui de disposer de l’opinion d’experts qui apportent leur vérité et, surtout leur connaissance sur les questions des systèmes de santé. Il ne semble pas que le gouvernement, conspué de toutes parts, ait pris le temps de demander leur avis à ces experts.
L’un d’eux, Saâd Taoujni, consultant en stratégie et management de la santé et de la protection sociale, a accepté de répondre à nos questions. Titulaire d’un DEA de la faculté de droit de l’Université René Descartes, Paris V, il est juriste spécialisé en Droit Public, de la Santé et de la sécurité sociale. Après 30 années d’expérience à la CNSS, il est aujourd’hui consultant au Maroc et en Afrique pour les questions sociales, et il est également l’auteur de plusieurs études juridiques économiques et institutionnelles des systèmes de santé  en Afrique.
Vous avez déclaré récemment que « malgré les nombreuses réformes annoncées (AMO, RAMED, etc.) et une croissance économique relativement stable ces deux dernières décennies, le nombre de personnes couvertes par l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO) demeure insuffisant : le quart seulement de la population marocaine. Les estimations les plus optimistes ne dépassent guère les 30% ». Force est de constater qu’il y a des  contradictions importantes entre les différents chiffres publiés par les organismes  gestionnaires de l’AMO,  les ministères de tutelle et  les organisations internationales.   Quel est le  taux  réel de couverture sanitaire au Maroc?
Effectivement, il est difficile de se retrouver dans ce foisonnement de chiffres. A ce jour, le taux de couverture est très insuffisant.  Il s’agit d’une réalité que tous les marocains constatent et vivent au quotidien.
Les chiffres parus dans la presse annonçant pour bientôt  un taux de couverture sanitaire de 95% (communiqué du Ministère de la Santé du 7 janvier 2016),  sont le résultat d’une projection effectuée après l’adoption du projet de Loi 98.15 instituant  l’AMO pour les travailleurs indépendants  ou non salariés.
Ce projet de Loi-cadre   a  simplement été approuvé  par le Conseil de Gouvernement. Mais il ne l’est pas encore par le Conseil des Ministres présidé par le Roi. Il  faut aussi  qu’il soit débattu et adopté par les deux chambres du Parlement marocain et enfin publié au Bulletin Officiel pour finir son parcours législatif.
Le temps nécessaire à l’élaboration des  textes réglementaires d’application est à estimer avec encore  plus de précision du fait de la variété des catégories de travailleurs non salariés, de la diversité des sources de revenus, et surtout de la détermination des organisations les plus représentatives, syndicats, ordres, chambres, associations, etc. habilités à signer les accords avec l’Etat,  à déterminer les cotisations forfaitaires,  à recenser tous les travailleurs non salariés  de la profession, à les obliger tous à s’inscrire. Son autorité doit être incontestable.
Cette difficulté transparait clairement dès que nous commençons à énumérer les différentes catégories de  professionnels  et de  travailleurs non salariés visés par le projet de Loi.
-              Les professions libérales de santé  (médecins, chirurgiens dentistes, pharmaciens, psychologues, vétérinaires, etc.)
-              Les professions libérales juridiques et techniques (avocats, architectes, notaires, experts comptables, ingénieurs, experts et consultants libéraux, etc.) 
-              Les  commerçants, les artisans, les agriculteurs, les petits patrons de l’industrie, de la construction, des transports, etc.
-              Les patrons des  PME, des micro-entreprises,  des  coopératives, les  auto-entrepreneurs, les personnes exerçant pour leur propre compte des activités génératrices de revenus, etc.
-              Les travailleurs indépendants comme les plombiers, électriciens, maçons, coiffeurs, épiciers,  chauffeurs de taxi, les tenanciers de café et de snacks, etc.
Selon Boutaina Falsy, consultante en politiques sociales et experte en protection sociale,
« Le cas du Maroc est un cas atypique concernant l’extension de la couverture sociale ….. Dans notre pays la population active occupée est majoritairement indépendante (55%). » D’autres l’estiment  aux deux tiers.  Et  les travailleurs  non-salariés,  avec  50 à 60 heures par semaine, travaillent  souvent plus que de nombreux salariés.
Il semble que la solution retenue par le Gouvernement  soit  de commencer par les professions libérales ayant des organisations professionnelles dont la représentativité n’est pas contestée : Ordre des Médecins, des Avocats, des Architectes, etc.
Ceci étant, cette  réforme est à saluer tout de même sachant qu’elle ne concernera  au début qu’un nombre limité de nouveaux assurés (de 200 à 300.000),  comme cela a été le cas pour les étudiants.  Il s’agit d’un début, mais il faut  que les textes d’application soient publiés rapidement.
Pour les autres catégories de travailleurs non salariés,  qui se comptent en millions, il faudra attendre un  certain nombre d’années avant d’atteindre la généralisation de la couverture sanitaire.
A titre d’exemple, « sur les 200.000 magasins commerciaux recensés par les pouvoirs publics, on dénombre près de 80.000 épiceries de quartier ». Quelle association pourra les représenter tous ? Rien que pour les transporteurs, il y a plusieurs dizaines de  syndicats,  fédérations ou associations professionnelles, etc.
Il est important d’expliquer aux citoyens que cette réforme prendra beaucoup de temps. Il ne faut pas donner  de faux espoirs. Les travailleurs indépendants ne seront pas tous et rapidement couverts. Nous sommes plus devant une évolution que dans une révolution.
Par ailleurs, les quelques informations recueillies autour de ce projet,  ne sont pas non plus rassurantes puisqu’il est question d’une étanchéité entre les différentes branches de l’AMO géré par la CNSS : les salariés et les non salariés. Il n’y aura  donc pas de solidarité entre les assurés d’une même institution.
Comme il n’est pas encore question de  solidarité entre tous les bénéficiaires de l’AMO, puisque il y a une   séparation nette entre les différents organismes gestionnaires (CNSS, CNOPS, mutuelles, casses internes, assurances privées). Le Maroc n’aura pas encore sa Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM), comme c’est le cas chez tous  ses voisins.
Pourtant, le secteur public  va connaitre bientôt des difficultés financières du fait des mises  à la retraite,  des départs volontaires,  de la réduction de l’emploi public et des taux de remboursement plus favorables que ceux de la CNSS (90% contre 70% en cas d’hospitalisation). Le taux de couverture des passifs par les actifs du secteur public s’est détérioré,  entre 2009 et 2013, en passant de 3 à 2,5, ce qui  confirme mes propos. Le secteur public sera confronté à d’autres problèmes que ceux des retraites. Va-t-il falloir augmenter aussi les taux de cotisations des fonctionnaires pour financer les déficits prévisibles?
Il est légitime de se demander pourquoi les pouvoirs publics n’arrivent  pas à réaliser cette réforme, et ce d’autant plus que les adhérents de toutes les mutuelles du Maroc, hors CNOPS, ne sont actuellement que  101.711 ?
La solution consistant en une fusion  à moyen terme des  attributions des tous  les organismes chargés de l’AMO de base (CNOPS, CNSS, assurances privées, mutuelles et  des caisses internes)  dans un seul établissement public va s’imposer logiquement et inéluctablement. Alors, autant commencer dés à présent les études économiques,  juridiques et actuarielles nécessaires à l’élaboration des textes adaptés  à cette évolution  et commencer aussi  à uniformiser le panier des soins, les taux de cotisation et  de remboursement en créant un peu plus d’égalité entre les différentes catégories.
Nous n’avons pas besoin d’autant d’organismes gestionnaires.  L’article 114 du code de l’AMO,  relatif au basculement des assurés des régimes  facultatifs gérés les  compagnies d'assurances, les mutuelles, ou les  caisses Internes  vers le  régime de l'assurance maladie obligatoire de base géré par la CNSS ou par la CNOPS,  devrait être appliqué rapidement,  tout en trouvant des solutions ou des produits de  substitution,  en plus de l’assurance maladie complémentaire,  pour compenser les pertes éventuelles des compagnies d’assurances et des mutuelles.  Il faut tenir  compte des intérêts de tous.
S’il est communément admis par tous les experts qu’il faut faire évoluer le système en observant une certaine  prudence et progressivité, le système marocain  est trop attentiste, frileux. Il  frôle l’immobilisme.
Le Maroc est le dernier pays de la Méditerranée à  faire bénéficier ses travailleurs non salariés  de la Protection Sociale: Algérie 1974, la Tunisie 1981, l’Egypte, etc. Reste à savoir  pourquoi nous le faisons aussi tardivement ?
Il y a trop d’intérêts. Il y a trop de lobbying. Il n’y a pas de technicité ni de  vision chez les politiques. Il y a trop de lenteur.
Et le RAMED ?
Afin d’améliorer le  taux de couverture sanitaire,  le Ministère inclut  automatiquement le RAMED pour atteindre des taux astronomiques.  Or si  le RAMED a atteint ses objectifs en termes de recensement et de distribution des cartes (113%, le nombre de bénéficiaires a dépassé la population cible), il est loin d’offrir à ses bénéficiaires  des soins  de base suffisants. Il y a de très fortes inégalités entre les bénéficiaires des deux régimes : AMO  et RAMED. Pour les bénéficiaires du RAMED    la carte  a simplement remplacé le certificat d’indigence, pas les délais de rendez-vous, pas la qualité des soins.
Le Ministre de la Santé ne cesse lui-même de dénoncer la faiblesse des moyens humains et matériels mis à sa disposition. Voir à ce sujet la « Stratégie Sectorielle Santé  pour la période 2012-2016 ».
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) situe le Maroc parmi les 57 pays du Monde souffrant d’une pénurie aigue en personnel soignant, aggravée par la  mauvaise répartition  des effectifs sur le territoire national. Concernant les équipements lourds, la plupart des établissements hospitaliers nécessitent le renforcement et/ou le renouvellement de leur plateau technique selon le Ministre de la Santé.  Les médicaments et le consommable médical sont souvent achetés par les familles dans les pharmacies privées.
Quel est alors  le  taux réel de couverture  des travailleurs salariés ?
Selon  l’ANAM,  même parmi  les travailleurs salariés actifs  couverts par l’AMO du secteur privé géré par la CNSS, 17% des assurés  ont souvent des droits fermés, soit parce que les employeurs ne paient pas les cotisations, soit que les assurés ne remplissent pas la condition de 54 jours déclarés et payés depuis six mois.
A cela il faut ajouter près de 600 000 actifs qui échappent toujours à la couverture sociale de la CNSS selon les estimations de l’ANAM.
Ensuite, parmi les travailleurs salariés, la Loi marocaine  ne reconnait toujours pas le droit du personnel de maison de bénéficier de  la protection sociale : femmes de ménage, gardiens, jardiniers, chauffeurs, etc. Ce texte, comme celui des indépendants,  est annoncé depuis l’indépendance par tous les gouvernements marocains. Cette catégorie de la population ayant durement travaillé, bascule dans la précarité voire  dans l’indigence, dès qu’il y a une maladie invalidante ou vieillissement. 
Il est possible de prévoir dans un premier temps de mettre en place au moins  un régime facultatif parce que de nombreuses familles  souhaitent déclarer le personnel de maison à la CNSS, et payer les cotisations correspondantes. Le Code du travail de pays moins développés  économiquement que le Maroc,  le permet.

Les assurés ne cessent de se plaindre de  difficultés dans leurs relations avec les organismes d’assurance maladie  et  avec certains  producteurs de soins. Qu’en est-il ? 
Les parts à payer par les patients couverts  par l’AMO  sont encore très élevées. En effet « Si la tarification de référence est respectée dans le secteur public, on ne peut pas en dire autant pour le secteur libéral. Actuellement, les médecins et les cliniques, dans leur grande majorité ne respectent pas les tarifs. .. On constate que l’assuré contribue à hauteur de 50% aux frais de soins de santé en plus de sa contribution à l’AMO »  reconnait  le Directeur Général de l’ANAM.
Les assurés se plaignent également de certaines cliniques qui refusent de demander les prises en charge  à  la CNSS ou à la CNOPS et exigent le paiement de la totalité de la facture. A charge pour le patient de se faire rembourser  auprès de son organisme.
 Les délais de remboursement ou de paiement des dossiers les plus coûteux sont plus longs
Les chèques de garantie, parfois signés à blanc, sont souvent réclamés aux patients. Quand la  prise en charge est rejetée par  des motifs justifiés ou non, le salarié  à faibles revenus, se retrouve  avec des menaces de présentation du chèque à  sa banque, puis incident de paiement, etc.
De leur côté, les assurances privées ont souvent recours  à des  exclusions comme les maladies antérieures à l’adhésion et à des plafonds de remboursement souvent  très faibles pour les petits salaires. Ces plafonds sont rapidement atteints en cas de soins prolongés ou coûteux, en réanimation par exemple. Parfois, le reliquat est important et il est supporté totalement par le salarié.
Par ailleurs, étant donné que le tiers payant ne concerne le plus souvent que les hospitalisations,  et vu la faiblesse du pouvoir d’achat de la plupart des salariés, ils ne peuvent pas toujours se permettre des soins externes dont l’ordonnance moyenne  varie entre 400 et 800 DH, quand il n’y a pas des actes d’explorations coûteux (Scanner, IRM, etc.).  Ils se privent souvent de soins préventifs.
Il faut également penser à ceux qui ne bénéficient ni  du RAMED ni de l’AMO et qui paient de leur poche la totalité des frais.  Les dépenses directes de santé des ménages dépassent 53% des dépenses totales du Maroc et ce sont les démunis qui sont le plus affectés.
Dans le monde rural, ces inégalités  sont encore plus exacerbées et atteignent des niveaux affligeants. 98% des femmes rurales n’ont aucune protection sociale.
La couverture sanitaire de base doit être universelle et créer plus d’égalité entre les citoyens. Notre classe politique, nos partenaires sociaux  et nos gestionnaires devraient être plus audacieux tout en maintenant la vigilance de rigueur. Ils n’ont qu’à s‘inspirer de nos voisins. Ils éviteraient  au Maroc bien des tensions et des conflits sociaux et  améliorer son classement dans  les différents indicateurs sanitaires et sociaux publiés par les organisations  internationales publiques ou privées et dont le plus connu est celui de l’Indice du Développement Humain  où le Maroc émarge depuis plusieurs années autour de la 130ème place.
En conclusion ?
Il faut que le Maroc adopte de toute urgence  un plan stratégique  pour le secteur social  à l’instar de ce qu’il  a  fait pour le tourisme, l’agriculture, l’industrie, la pêche, etc. 
Ce « Plan Maroc Social 2030 » (pourquoi pas 2040, s’il le faut) doit jeter les fondements d’une nouvelle vision  en se basant  d’abord  sur les réalisations et les progrès enregistrés dans ce domaine, en recensant ensuite les incohérences introduites par les textes d’application qui ont généré parfois des inégalités comme celles des différences entre les taux de cotisation, de remboursement et des paniers de soins entre la CNSS et la CNOPS, et en trouvant enfin  des solutions à des dispositions qui n’ont pas été appliquées comme celle interdisant le cumul entre les fonctions d’assureur et de  producteur de soins, etc.
L’architecture institutionnelle doit être repensée aussi, un seul régime d’AMO  de base séparé du régime des retraites. La tutelle confiée à une seule autorité. Redonner plus de pouvoirs au Conseil d’administration où siègeraient des personnes qualifiées. Rendre plus efficient le contrôle financier de l’Etat et non pas un frein comme c’est souvent le cas actuellement. Confier la gestion à des directoires. Recentrer l’activité des caisses sur leur cœur de métier. Maitriser les surconsommations et sur prescriptions d’actes et de produits.  Utiliser de manière plus efficiente, les 55 ou 60 milliards de DH  dépensés annuellement dans la santé au Maroc, etc.

Propos recueillis par Aziz Boucetta

                                http://www.panorapost.com/article.php?id=12085