Budget
2023 du Ministère de la santé et de la Protection Sociale
Le Budget du MSPS est passé
de 23,5 MMDH à 28,1 MMDH, enregistrant une progression de 19% mais la part des
dépenses d’investissement représentent 28% du total. La masse salariale a
progressé pour la première fois de 2 MMDH. Cette somme demeure toutefois très
insuffisante pour redresser tous les préjudices pécuniaires et moraux subis par
les professionnels de la santé. Les indemnités de gardes et d’astreintes sont
insignifiantes (ex : 1000 DH pour un mois de garde en réanimation Covid),
et payées avec 2 ou 3 années de retard. Le manque d’attractivité de
la fonction publique sanitaire, exposée à une forte et durable concurrence
mondiale, s’explique pour une grande part par les salaires toujours très bas.
Il y a en effet plus de professionnels de la santé marocains qui émigrent que
d’étrangers qui arrivent (moins de 50)
Le nombre de postes salariés
prévus dans le Budget s’élève à 5500 comme en 2021 et 2022,
dont près de la moitié sert au remplacement des départs à la retraite. Devant
le manque de médecins candidats aux postes à pourvoir, plus de 74% ont été
attribués en 2022 aux paramédicaux, administratifs et
techniciens. Ce Budget ne permettra pas l’amélioration de
l’offre de soins dans de nombreuses régions sous-médicalisées avant longtemps.
Le bilan des deux premières
années du plan 2021-2025 de généralisation de la Protection Sociale.
Dans son plan de
Généralisation de la Protection Sociale, le Maroc a retenu quatre branches sur
les neuf proposées par la Convention 109 de l’OIT de 1952, dite la Norme minimum
de sécurité sociale. Son entrée en vigueur le 14 juin 2020, en plein pandémie
COVID, est passée inaperçue. Le financement annuel proposé par M. Benchaaboune,
de 51 MMDH, est réparti entre l’AMO : 14, les Retraites : 16, les
Allocations Familiales : 20 et l’Indemnité pour Perte d’Emploi (IPE)
: 1 MMDH. Soit en cinq ans, 255 MMDH ou l’équivalent des recettes fiscales en
2022. Si le financement de l’IPE est aussi bas, c’est parce
qu’elle n’a rien à voir avec l’indemnisation du chômage pour laquelle le Maroc
a formulé des réserves. L’IPE prévue pour 2025 aurait été d’une grande utilité
si elle avait été opérationnelle durant la pandémie. La retraite en crise
depuis 1990 attendra sa réforme en 2025. Pour l’instant aucun dirham
supplémentaire n’a été versé depuis 17 ans aux pensionnés de la CNSS. La
pension moyenne mensuelle est actuellement de 1680 DH. Une décision souveraine
datant de janvier 2020 de son Conseil d’Administration d’augmenter les pensions
avec un maximum de 210 DH a été bloquée jusqu’à hier par le Ministère des
Finances. Pour faire face aux effets dévastateurs de l’inflation, il aurait
fallu l’actualiser.
Quels sont les résultats des
deux premières années consacrées à l’AMO ?
Il est important de rappeler
que la Loi-Cadre 09-21 n’a concerné que les travailleurs non-salariés (TNS) et
les démunis du RAMED. Les travailleurs salariés, prévus dans un premier temps,
ont été exclus dans le discours d’ouverture du Parlement en octobre de 2020. Le
lobbying de certains groupes d’intérêts, est passé par là. Les deux premières
catégories devaient couvrir chacune 11 millions de bénéficiaires. Ces
statistiques sont devenues statiques et non pas dynamiques comme devraient
l’être toutes les données démographiques. Pourtant, le nombre des bénéficiaires
du RAMED a été estimé à 15 millions de personnes par le CESE
en 2019, bien avant la pandémie. Pour le Wali de la Banque du Maroc et le
Ministre Délégué au Budget, deux tiers des Marocains vivent dans la précarité
soit plus de 24 millions de personnes sur 37,7 millions d’habitants (Selon le Fonds des Nations Unies pour la Population).
L’adhésion des démunis à la
CNSS est conditionnée par l’établissement du Registre Social Unifié (RSU) par
les autorités locales censées établir des listings assainis des bénéficiaires
correspondant au ciblage prévu basé sur un seuil de revenus.
Ces travaux titanesques n’ont pas encore touché toutes les régions du Maroc. Le RSU, recommandé par la Banque Mondiale en 2014, ne serait
disponible dans le meilleur des cas que dans la deuxième moitié de 2023 ou
probablement en 2024. Sauf si le gouvernement décide d’utiliser un autre
procédé.
Le financement du RAMED est tout aussi étonnant : (9 MMDH). Il est supérieur à celui des indépendants et des professions libérales (5MMDH) avec un nombre de bénéficiaires égal. Mais dans les Budgets de 2021 et 2022, les crédits annuels inscrits au RAMED étaient de 4,2 MMDH et ne correspondaient pas au plan de financement présenté au Parlement.
Par contre, dans le Budget
2023, les crédits sont de 9,5 MMDH. Cependant, le Fonds d’Appui à la Protection
Sociale et à la Cohésion Sociale (FAPSCS) ne dispose que 10 MM DH. Une dotation statique depuis quatre ans. Ce Fonds regroupe les programmes DAAM d’aide aux veuves,
Tayssir, un million de cartables, les 100 ou 120 programmes sociaux, les
Personnes en Situation d’Handicap (PSH) et le RAMED. Le taux d’engagement du
FAPSCS, pour les années 2018-2020 est de 45%, soit moins de la moitié des
crédits ouverts. Ce n’est pas avec 10 MMDH et les maigres aides monétaires (de
80 ou 350 DH par mois) que les démunis pourront faire face aux graves conséquences de la
sécheresse et de l’inflation effrénée.
Le Ministre du Budget a
annoncé le 26 mai dernier que les démunis auront les mêmes droits en matière
d’assurance maladie que les fonctionnaires et les salariés du privé. Il n’a pas
tenu compte du rôle de la misère comme déterminant majeur de la santé et
facteur de mortalité. 77% des assurés de la CNSS ne déposent aucun dossier de
remboursement, souvent parce qu’ils n’ont pas les moyens de payer des soins
externes et d’attendre le remboursement plusieurs mois. Certains renoncent même
aux soins médicaux ou préfèrent s’adresser à des guérisseurs.
Mr Lekjaâ a également était
fier d’affirmer que pour les TNS, le Gouvernement a adopté 22
décrets (plus 7 autres adoptés le 17 novembre) fixant les cotisations des
différentes sous-catégories et que le taux de couverture de la population cible
a atteint 70%, soit 2 millions d’assurés. En tout 8 millions de bénéficiaires
sur les 11 millions prévus. Ces données sont basées sur les listings transmis
par les ministères et les organismes de liaison à la CNSS et non pas sur les
bulletins d’adhésion dûment signés par les assurés et mentionnant le nombre
exact de bénéficiaires éligibles. Pourtant, les résultats réels au 4/10/2022 ne
font état que de 336 000 assurés ayant cotisé et seulement 197 000
ont les droits ouverts soit 6% des 3, 3 millions visés. Du coup, la CNSS
va entreprendre à grand frais, une vaste opération de recouvrement portant sur
2,1 MMDH de cotisations dues. Elle a également dépensé énormément et en vain en termes de publicité destinée aux non salariés. Il convient de noter que le principe même de la
suspension de la couverture médicale de toute la famille pour non-paiement des
cotisations est contraire à l’esprit de la Couverture Sanitaire Universelle
(CSU) de l’OMS à laquelle le Maroc a adhéré.
Les résultats des deux
premières années de généralisation de l’AMO aux démunis et aux travailleurs non-salariés
sont donc très faibles. Le passage de 42% à 100% fin 2022 promis par le Chef de
Gouvernement devant les parlementaires, a très peu de chance de se réaliser.
De plus, le chiffre même de 42% est contestable. En effet, la couverture des travailleurs salariés, non concernés par la réforme, est loin d’être satisfaisante et homogène. D’abord, les restes-à-charges pour tous les assurés dépassent les 50%. Ensuite, l’AMO des salariés est toujours éparpillée entre une quarantaine d’organismes n’étant pas soumis aux mêmes textes législatifs et réglementaires, ni au même régulateur. Ainsi, les taux de cotisation ou de remboursement, les tarifs, le panier de soins, les exclusions, les plafonds sont différents. Par conséquent, les salariés du secteur privé ne bénéficient pas de la même couverture médicale que les fonctionnaires, alors qu’ils sont régis par la même loi (65-00), mais pas par les mêmes décrets. Un autre casse-tête pour les juristes et le Secrétariat Général du Gouvernement.
De nombreux salariés ne
bénéficient pas d’AMO. D’autres sont déclarés 18 jours par mois et à 1800 DH
même quand ils travaillent 26 jours et touchent le SMIG. A titre d’exemple, le
nombre travailleurs domestiques déclarés à la CNSS, fin 2021, ne dépasse pas
les 5300 agents. La plupart des agents de sécurité subissent le même
sort. Moins du quart des travailleurs agricoles, du bâtiment, du
textile, de l’artisanat, du tourisme, etc. sont déclarés à la CNSS. En juin
dernier, la Banque Mondiale a affirmé que le travail informel représente 77% de
l’emploi total au Maroc.
Au final, la part de l’Etat dans les dépenses totales de la
santé est restée figée à 25% depuis 2006. Les ménages supportent plus de 60%
selon les Comptes Nationaux de la Santé, signés de la main du Ministre de la
Santé et de la Protection Sociale (MSPS).
Rapporter les 10 MMDH du
FAPSCS au Budget colossal de l’investissement public, de 300 MMDH, nous donne
toute la mesure des priorités de l’Etat : l’infrastructure
d’abord, le social après. A titre d’exemple, les crédits alloués aux
Personnes en Situation d’Handicap sont de 500 MDH pour 10% de la population
selon l’OMS, soit 135 DH par an et par personne.
Enfin, le choix dans l'AMO du mode contributif ou assurantiel lié au travail avec suspension de la couverture en cas de non-paiement des cotisations limite grandement la portée de l’actuelle réforme. Il aurait fallu s'orienter vers la Couverture Sanitaire Universelle (CSU) de l'OMS et la financer principalement par l’impôt, les monopoles et la taxation des produits nocifsàlasanté . Mais pour cela, il aurait fallu disposer d'une vraie réforme fiscale. Dans tous les cas, la multitude des décrets complique davantage les choses qu’elle ne les règle. Ce choix a montré ses limites.
Chronique corrigée et mise à jour le 20 novembre 2022 sur Blog Taoujni Saâd.
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